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Plaquette 02

La route de Tracuit

Le quartier historique de la Crête
Le village est divisé en trois quartiers historiques : le COUJON donne sur la zone des mayens, les DÉLAGETTES s’étirent sous l’église et la CRÊTE se situe au départ de l’ancien chemin du Val d’Anniviers et de ceux des alpages de Tracuit et d’Orzival.

Observez son organisation : au centre, la fontaine, seule source d’eau courante pour les ménages et les troupeaux. Le long de la rue, les maisons d’habitation, sans unité d’orientation : elles font face au village, à l’étroite rue en pente, ou au midi, sans règles apparentes. Un peu à l’écart à l’est, un petit groupe de granges-écuries. Elles concentrent la vie pastorale du quartier.

Observez la dernière maison, à la sortie vers Tracuit : sa magnifique entrée voûtée, taillée dans la pierre de Crouja (sorte de tuf local) et donnant sur une courtine fermée, lui confère un air méditerranéen. Sa position de sentinelle l’a rendue légendaire : l’hospitalité que le maître des lieux aurait accordée aux voyageurs épuisés lui aurait valu le passage de Farinet, le célèbre faux-monnayeur !

Observez au numéro 10 : la date du pignon (1888) rappelle l’incendie qui a détruit l’ancienne bâtisse. Sa reconstruction lui a ajouté un lourd escalier de pierre. Remarquez l’élégance des lettres de l’inscription.

Observez en face : au-dessus d’un balcon plein trône un demi-trophée de cerf, abandonné par l’animal dans les forêts voisines de Vercorin. Au pignon, les figures du perçoir et de l’équerre, attributs du charpentier, voisinent avec la lune et le soleil. L’incontournable channe valaisanne défie la générosité du bâtisseur. Les channes, qui constituent l’indispensable motif au pignon des maisons, ont chacune leur particularité : leur degré d’inclinaison. La tradition veut que si le vin coule d’une channe verticale, le maître de l’œuvre a abondamment « arrosé » les ouvriers. Sa générosité a été d’autant plus réduite que l’inclinaison a dû être plus forte. L’explication inverse est aussi souvent donnée. Une maison de Vercorin présente le gobelet du côté de l’anse de la channe : ne cherchez pas l’erreur, mais la maison !

Observez la maison Georges Amoudruz (numéro 8) : l’ingénieur et ethnologue genevois y vécut de 1930 à 1960 environ. Il a laissé près de 4000 pages manuscrites d’enquêtes sur Vercorin, et collectionné 8000 objets typiques des pays rhodaniens. Ces pages ont été publiées dans « Georges Amoudruz à Vercorin, l’Arche perdue, Ed. Monographic, Sierre, 1998 ».

Aux inscriptions très chrétiennes qui faisaient la fierté d’Amoudruz répond un bénitier conservé à l’angle sud-est du bâtiment. Une fois par année, le curé de la paroisse devait en effet bénir chaque maison, même en l’absence de son propriétaire !

Dans quelle catégorie de bâtiments classez-vous celui qui suit la maison Amoudruz, au nord ? Dans les greniers, car il n’y a pas d’aire à l’intérieur, alors que c’est le cas pour les raccards. Les madriers du nord-est montrent encore les anciennes entailles de croisement. Ici, elles tombent dans le vide : ce sont visiblement des poutres de démolition réemployées.

Le passage de Farinet à Vercorin par Jean Duey
« Il était jour et nuit sur le qui-vive ! Pour continuer son travail, il se cachait chez des gens sûrs et dans des endroits retirés. Si nous parlons de Farinet, c’était pour dire que ce hors-la-loi au grand cœur passait souvent de nuit par Vercorin pour se rendre au Val d’Anniviers, où il avait des connaissances à Mayoux et à Vissoie. Un an avant sa fin tragique, vers le courant du mois de septembre, Farinet passa tardivement à Vercorin. Comme il pleuvait et que le village de Vercorin était baigné dans un brouillard, cet aventurier décida de passer la nuit à Vercorin. Il alla frapper à la porte du dernier chalet (direction de Pinsec) pour demander l’hospitalité. Ce chalet était habité par mes grands-parents (maternels) Gaudard. On lui donna deux couvertures et santé. Séraphine et ma mère lui ont préparé, à la grange, un gîte pour se reposer et pour sommeiller. Le lendemain matin, à l’aube, il avait déjà quitté les lieux. Avant de s’en aller, il marqua sa reconnaissance en semant quelques pièces d’argent devant la porte d’entrée du chalet. Cette trouvaille fut une heureuse aubaine pour les deux sœurs. »